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Lonnie Bissonnette a été le premier parabobeur canadien, et il ne veut pas être le dernier

Pour la première fois cette année, les Championnats du monde de bobsleigh et de parabobsleigh se déroulent en même temps – et sur la même piste.

Un piston mécanique est situé derrière un bobsleigh, dans lequel se trouve Lonnie au sommet d'une descente glacée.

Le parabobeur Lonnie Bissonnette ne veut pas quitter son sport avant de savoir qu'une relève est prête à reprendre le flambeau.

Photo : Gracieuseté : Lonnie Bissonnette

Lonnie Bissonnette a 58 ans : il est pour l’instant le seul bobeur handicapé au Canada. Il repousse l’heure de la retraite en s’accrochant à un rêve paralympique, qui pourrait se concrétiser en 2026, à Cortina d’Ampezzo. Mais surtout, il ne souhaite pas s’en aller avant d’avoir passé le flambeau.

Il prend part cette semaine aux Championnats du monde de bobsleigh et de skeleton à Saint-Moritz, en Suisse. Il sera le seul athlète canadien à s’élancer du haut de la piste glacée dans sa catégorie.

Cette année, le rendez-vous mondial du parabobsleigh, une discipline encore toute jeune, revêt un caractère bien particulier puisqu’il est présenté pour la toute première fois en même temps que les mondiaux de bobsleigh et de skeleton.

C’est énorme pour nous, énorme, insiste Lonnie Bissonnette, qui a fait partie de la première cohorte de parabob sur le circuit de la Coupe du monde, en 2014-2015. À Saint-Moritz, ils ont vraiment poussé pour qu'on soit là en même temps que les autres.

C'était naturel pour nous. On a un grand historique de parasport au sein de notre organisation, c'est bien implanté, explique Alexandra Kolb, vice-directrice de la piste olympique à Saint-Moritz/Celerina. On a par exemple installé un départ plus bas aussi, sur la piste, pour donner la chance à de nouvelles personnes handicapées de s'initier au parabobsleigh.

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Plusieurs personnes de dos, les mains en l'air, célèbrent un jeu de football à la télévision.

On a déjà reçu des championnats, des épreuves de la Coupe du monde, et là, on s'est dit que c'était le moment de faire un événement vraiment inclusif, qui rassemble toutes les compétitions de l'IBSF.

Un avancement majeur pour le développement du parabobsleigh, selon Lonnie Bissonnette.

Le principal enjeu pour faire évoluer notre sport au Canada, c’est le financement. On ne reçoit pas de soutien financier de Sport Canada ni de Bobsleigh Canada Skeleton, car nous ne sommes pas encore un sport paralympique. Et pour aller chercher des commanditaires, il nous faut de la visibilité.

Et on sera là, sur la montagne, en même temps que les athlètes olympiques, qui sont suivis par des caméras et des journalistes. On aura aussi une plateforme de diffusion, c’est énorme.

Courtoisie Lonnie Bissonnette

Les images sont en effet spectaculaires. Les parabobeurs empruntent le même parcours que celui des athlètes olympiques, mais seront propulsés par un piston électromécanique, plutôt que par un équipage qui pousse.

Tous les compétiteurs bénéficient donc du même départ, ce qui a pour effet d’accentuer l’importance du pilotage, selon Nils Oliveto, un ancien bobeur qui a été analyste pour Radio-Canada Sports aux Jeux de Pékin.

En bobsleigh traditionnel, la poussée de l’équipage en haut est extrêmement importante. En enlevant ce facteur de l’équation, on double l’importance de la conduite, explique-t-il. On s’en remet entièrement aux qualités du pilote.

Il rappelle que le bobsleigh se pilote avec les mains, par un système de cordage, et qu’une paralysie aux membres inférieurs n’aura pas vraiment d’effet sur la conduite.

L’engin procure néanmoins un défi supplémentaire, car il diffère légèrement des modèles habituels. Le parabob est un peu plus léger, donc plus malléable. Les lames en dessous sont plus minces que les patins du bob classique. Donc la conduite est encore plus sensible, il faut être encore plus précis dans ces mouvements.

Des manœuvres impressionnantes, selon l’analyste : La poussée est moins grande au départ, donc les vitesses sont moindres, mais ces athlètes se soumettent quand même à de grandes forces de pression. Dans des virages, ça peut être jusqu’à trois fois le poids de l’athlète qui l’écrase.

Bientôt au programme paralympique

Il ne faudra pas attendre très longtemps avant que le parabobsleigh devienne le septième sport paralympique d’hiver. Les critères internationaux sont en voie d’être remplis. On pourrait même assister aux débuts du sport en 2026, avec un peu d’indulgence des hautes instances.

Le parabobsleigh a porté en appel une décision du Comité international paralympique, qui a rejeté une demande pour des débuts en 2026.

C'est que le sport doit fédérer au moins 12 nations, réparties en trois régions, pendant quatre années consécutives. Le sport en est à sa troisième année avec au moins 12 pays inscrits, et lors de l’année précédente, il en comptait… 11.

On croit que la décision pourrait être infirmée. On a réussi à maintenir un bon nombre de pays participants même en temps de COVID , lance Lonnie Bissonnette. Si on n'est pas là en 2026, on sera là en 2030.

Mais le locuteur s’exclut ici du nombre : en 2030, il aura 65 ans. Ce serait impossible, je ne pourrais plus. Je vieillis.

C’est notamment pour cela qu’en parallèle à ses entraînements, Lonnie Bissonnette cherche à former une relève canadienne.

C’est difficile de trouver des gens ici, car on n’a pas d’équipements. On n’a aucun bobsleigh adapté à proprement dit au pays, on doit les faire venir des États-Unis ou d’Europe. Le coût d’un parabobsleigh neuf est d’environ 25 000 euros (36 300 $ CA). Et comme c’est un nouveau sport, c’est impossible de trouver de l’équipement usagé.

L’athlète, né à St. Catharines en Ontario, a donc lancé sa propre fondation, pour amasser des fonds. On a une piste au Canada à Whistler, et ils aimeraient ça tenir une école de pilotage pour athlètes handicapés. Mais il manque le matériel.

En 2023, c’est aberrant le manque de développement du parabobsleigh au Canada, constate pour sa part Nils Oliveto.

On a la capacité d’être dane le top 5 mondial dans le bobsleigh classique, autant chez les hommes que les femmes. On a une riche histoire de succès, les infrastructures, les connaissances. Pourquoi y a-t-il un si gros retard? Pourquoi le seul porte-étendard du Canada est-il un courageux athlète de 58 ans qui se débrouille seul?

Une citation de Nils Oliveto, analyste pour Radio-Canada Sports aux Jeux olympiques

Whistler, un point d’honneur

Le financement n’est pas le seul obstacle que les parabobeurs doivent contourner, en route vers une reconnaissance du sport. Il existe aussi des craintes à laisser des athlètes paralysés dévaler à plus de 100 kilomètres à l’heure des pentes qui sont habituellement réservées à l’élite mondiale.

Il y a encore une certaine attitude, comme quoi les gens craignent qu’on se fasse mal. On ne peut pas faire des courses n’importe où dans le monde. En Allemagne, les responsables disent : "Non, non, pas de para ici". Ils jugent que leur piste est trop rapide pour nous.

Lonnie Bissonnette connaît bien le danger. Il est devenu paralysé à la suite d’une tentative de saut extrême, en 2004. Il se déplace depuis en fauteuil roulant, et les courses de bobsleigh lui procurent la même adrénaline que ces prouesses de haute voltige de l’époque.

J’ai fait du saut extrême pendant 32 ans. J’ai sauté du stade olympique aussi à quelques occasions. Et les aptitudes que j’ai appris à maîtriser pendant ces années me servent aujourd’hui dans le bob.

Une citation de Lonnie Bissonnette

Les habiletés nécessaires pour pratiquer les deux sports sont semblables, dit-il. En parachute, on tire sur des cordes pour se diriger. Dans un bobsleigh, c’est la même chose. Les descentes durent environ une minute dans les deux cas, sous haute adrénaline. Il faut rester calme et prendre des décisions en une fraction de seconde.

Lonnie Bissonnette a connu beaucoup de succès, d’ailleurs. Il a terminé deux fois au sommet du classement général de la Coupe de monde. L’Ontarien a remporté deux Championnats du monde, en 2016, à Park City, et en 2019, à Lake Placid. Son rêve serait de réussir l’exploit à la maison, à Whistler, la seule piste de bob en activité au pays.

Dans une courbe glacée prononcée, le pilote garde le contrôle de son engin.

Lonnie Bissonnette pratique le bobsleigh depuis les premiers balbutiements du sport, en 2012.

Photo : Viesturs Lacis

Et pas juste pour ajouter une médaille à son coffre aux lauriers. Whistler est la piste la plus rapide au monde. Si on parvient à courser là-bas, ce serait une manière de prouver qu’on peut. Et là on pourrait aller voir les Allemands et leur dire : "come on!"

L'Allemagne possède trois pistes de bobsleigh en activité sur le circuit de la Coupe du monde, mais seule celle d'Oberhof a déjà accueilli des compétitions de parabobsleigh.

Une première course devait avoir lieu à Whistler, les 5 et 6 novembre dernier. Elle a été annulée à la dernière minute. Pour des raisons politiques et des tractations internes, affirme Lonnie Bissonnette.

Par courriel, la Fédération internationale de bobsleigh et de skeleton a indiqué que l’épreuve a été annulée en raison de défis logistiques et opérationnels, ajoutant que la fédération canadienne et le Centre de glisse de Whistler ont été très coopératifs dans la préparation de l’événement, et cette décision n’a pas été facile.

Derrière son casque, l'homme paraît concentré.

Lonnie Bissonnette est paraplégique depuis un accident depuis un accident de saut extrême. Il est aussi l'un des meilleurs pilotes de bobsleigh au monde.

Photo : Viesturs Lacis

Nils Oliveto comprend la crainte. Il n’y a pas si longtemps, en 2010, un athlète géorgien est mort en luge sur cette piste, à l’entraînement. Donc, je comprends qu’il existe certains soucis de sécurité. Mais il y a des épreuves partout dans le monde, donc je pense que ce n’est pas une excuse. Il y a un manque de bonne volonté claire, selon moi.

Mais pour Alexandra Kolb, qui travaille depuis sept ans à la piste de Saint-Moritz, il n'y a jamais eu d'enjeux de sécurité. Ça n'a jamais été une préoccupation, vraiment. Même que cette semaine lors des entraînements, il y a eu plus de chutes du côté du bobsleigh classique qu'en parabob.

Whistler souhaite se reprendre et accueillir une épreuve de la Coupe du monde dès l’an prochain.

Lonnie Bissonnette sera d'ici là en action lors des Championnats du monde, jeudi et vendredi matin.

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