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Québec veut forcer les plateformes numériques à présenter plus de contenu en français

Un homme parlent en gesticulant assis à une table lors d'un point de presse du gouvernement du Québec.

Le ministre de la Langue française, Jean-Francois Roberge (archives)

Photo : The Canadian Press / Graham Hughes

Améliorer l’offre audiovisuelle en français en ligne est une des neuf priorités du plan d’action pour la langue française dévoilé dimanche par le gouvernement de François Legault.

Le ministre québécois de la Langue française, Jean-François Roberge, a convié les médias dimanche matin afin de présenter un plan de 603 millions de dollars sur cinq ans. Ce plan inclut 9 priorités et 21 mesures qui sont ou qui seront déployées au cours des prochains mois afin d’inverser le déclin du français au Québec.

Nous passons à l’offensive. Non pas contre qui que ce soit, mais pour regagner le terrain perdu, a déclaré M. Roberge en conférence de presse.

M. Roberge était accompagné des ministres qui ont participé au Groupe d’action pour l’avenir de la langue française : Christine Fréchette (Immigration et Francisation), Mathieu Lacombe (Culture et Communications), Pascale Déry (Enseignement supérieur), Bernard Drainville (Éducation) et Martine Biron (Relations internationales et Francophonie).

Dans une entrevue exclusive accordée à l’émission Les coulisses du pouvoir avant la conférence de presse, le ministre Roberge s’est engagé à légiférer pour forcer les plateformes comme Netflix et Prime Video à mettre en vedette davantage de contenu en français. Il faut faire une place à notre culture, a dit le ministre Roberge.

On est une société, on a une manière de vivre, de s'exprimer qui est différente. Il faut se donner un cadre législatif qui le reflète.

Une citation de Jean-François Roberge, ministre québécois de la Langue française

Le projet de loi, dont la date de dépôt n’a pas encore été fixée, va combler ce que le Québec estime être un vide réglementaire du côté fédéral. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) encadre la radio et la télévision au pays. Québec estime que les diffuseurs numériques exercent pour l’instant leurs activités sans cadre précis.

Dans ce contexte, Jean-François Roberge pense que le gouvernement peut être constitutionnellement créatif.

C’est le ministre québécois de la Culture, Mathieu Lacombe, qui aura le mandat de mener ce projet à terme. En conférence de presse, M. Lacombe a annoncé qu'il déposera d'ici 12 mois un projet de loi qui vise à garantir notre droit fondamental à l'accès et à la découvrabilité des contenus culturels de langue française dans l'environnement numérique.

L’exemple français

Depuis 2021, la France s’est dotée d’une loi pour renforcer l’accès du public (Nouvelle fenêtre) aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises.

Lorsqu'on ouvre Netflix en France, on consomme de la culture francophone, des films, des séries françaises et francophones. Au Québec, ce n'est pas [le cas], parce qu'on n'a pas donné le coup de barre jusqu'à aujourd'hui.

Une citation de Jean-François Roberge, ministre de la Langue française

Au Québec, l’Académie de la transformation numérique (Nouvelle fenêtre) (ATN) évalue que les deux tiers des internautes sont abonnés à au moins un service de visionnement vidéo en ligne. L’Académie estime que les contenus québécois sont pour ainsi dire invisibles sur les plateformes comme Netflix, Disney+, Apple TV+ et Prime Video.

On va aller plus loin, parce que le français sera toujours vulnérable au Québec, a indiqué Jean-François Roberge.

Jean-François Roberge parle, assis dans une salle.

Jean-François Roberge pense que le gouvernement peut être « constitutionnellement créatif ».

Photo : Radio-Canada / Nancy Labonté

Un tableau de bord pour le français

Fort du succès des tableaux de bord en santé et en éducation, le ministre Roberge souhaite appliquer la même formule pour suivre l’état de santé du français sans devoir attendre les données du recensement fédéral, publiées tous les cinq ans.

Des données linguistiques seront collectées chaque année et compilées par l’Institut de la statistique du Québec.

Cela permettra d'établir un portrait précis de l’usage du français dans la province. Le commissaire à la langue française du Québec, Benoît Dubreuil, pourra par ailleurs formuler des recommandations.

Sur une table, un document officiel du gouvernement du Québec où il est inscrit « Au Québec, l'avenir s'écrit en français : Plan pour la langue française ».

Le plan pour le français se compose de 9 priorités et de 21 mesures.

Photo : Radio-Canada / Nancy Labonté

Parmi les indicateurs, on trouvera notamment le niveau de français au travail, dans les boutiques, dans le commerce en ligne ainsi que dans l'offre culturelle. Toutefois, M. Roberge n'a pas voulu indiquer quand ces tableaux de bord seront présentés et si, à l'instar des autres tableaux de bord du gouvernement, il y aura des cibles à atteindre.

La question du déclin du français ne fait pas toujours consensus dans la société québécoise. Alors que certains utilisent comme indicateur la langue parlée à la maison (74,8 % et en baisse), d’autres affirment qu’il faut plutôt retenir la capacité de soutenir une conversation en français, qui se maintient autour de 94 % depuis une vingtaine d’années au Québec.

Néanmoins, dans le domaine du travail, le français est en déclin. Ainsi, au Québec, le pourcentage de personnes qui utilisent principalement le français au travail est passé de 81,8 % en 2001 à 79,9 % en 2021.

Ce taux est même de 70 % à Montréal, qui compte une forte proportion d’immigrants, et de 53 % chez les jeunes âgés de 18 à 34 ans (38 % indiquent parler français et anglais).

On se doit de donner le goût à nos enfants de parler le français. C'est notre devoir en tant que gouvernement, mais c'est aussi une responsabilité collective.

Une citation de Bernard Drainville, ministre de l'Éducation du Québec

Le ministère de l'Éducation prévoit notamment d'actualiser les programmes d'études du français et de sensibiliser les élèves à la lecture.

Les jeunes « sont passablement branchés sur les contenus numériques, souvent en anglais », a de son côté souligné Martine Biron, ministre des Relations internationales et de la Francophonie. Pourtant, le français est loin d'être une langue anodine, a-t-elle ajouté en mentionnant que c'est la 5e langue la plus parlée dans le monde et la 3e langue d'affaires, sans compter que le Québec a un rôle à jouer pour sa préservation au sein de l'Organisation internationale de la francophonie.

Martine Biron en conférence de presse lève l'index en regardant l'auditoire.

Martine Biron, ministre des Relations internationales et de la Francophonie. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

M. Roberge a laissé entendre que le plan présenté aujourd’hui n’est pas immuable et que des ajustements y seront apportés au fil du temps.

Priorité à la francisation

Au-delà de l’encadrement que Québec souhaite imposer aux plateformes numériques, le plan d’action souligne l’importance de favoriser le français en immigration.

La province peut-elle y arriver sans avoir les pleins pouvoirs réclamés à Ottawa? Jean-François Roberge a affirmé que les négociations vont bien et qu’une voie de passage pourrait être aménagée.

Je pense que d'ici juin, on est capables de faire de belles avancées pour [une plus] grande autonomie du Québec dans l'aménagement de son immigration, a-t-il dit. Cela devrait nous permettre d'avoir davantage notre mot à dire sur les gens qui arrivent ici.

En attendant, la francisation va bon train, a fait valoir la ministre de l'Immigration, Christine Fréchette, qui a souligné qu'au cours de la dernière année, 70 000 personnes ont eu accès aux services de Francisation Québec, contre 28 000 en 2017.

Christine Fréchette en point de presse.

La ministre Christine Fréchette. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Lors de la conférence de presse, Mme Fréchette a indiqué que les 320 millions de dollars prévus sur cinq ans permettront de développer les services de francisation à la fois en entreprise et en amont de l'arrivée des immigrants. Cette somme permettra aussi d'accroître le bassin de 750 professeurs.

Au cours des derniers mois, le gouvernement Legault a annoncé son intention de renforcer les efforts en francisation et de rendre la connaissance du français obligatoire pour toutes les catégories d’immigrants économiques (sauf pour les travailleurs agricoles). Le français sera également exigé pour le renouvellement des permis de travail temporaires.

Les universités anglophones devront participer à la francisation des étudiants inscrits au premier cycle. Cet automne, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, avait causé un tollé en annonçant une hausse des droits de scolarité pour les étudiants canadiens non résidents du Québec.

En conférence de presse dimanche, Mme Déry a insisté sur l'importance de mobiliser le milieu universitaire sur la protection de la langue et a aussi notamment évoqué « la création d'incitatifs à effectuer des publications scientifiques en français ».

Sur les 603 millions de dollars investis sur cinq ans, plus de la moitié vise à accroître les efforts de francisation des nouveaux arrivants (320 millions), à augmenter l’offre francophone et sa découvrabilité sur les plateformes (187,3 millions), à renforcer la maîtrise du français des étudiants québécois (64,9 millions), à nourrir l’attachement des Québécois à la langue française (12,8 millions) et à suivre des indicateurs linguistiques (18 millions).

Réactions politiques

Les partis d’opposition restent sur leur faim. Il manque, d’après eux, plusieurs grandes mesures.

Six ministres, quinze mois, puis on accouche d’une souris, critique Madwa-Nika Cadet, porte-parole du PLQ en matière de langue française.

Le plan pour la langue française manque cruellement d'ambition et de vision. Aucune des 21 mesures annoncées n'apporte du neuf, poursuit-elle, ajoutant que l'investissement de 65 millions de dollars pour la maîtrise du français à l'école est clairement insuffisant.

Elle souligne que le fait de ne pas aborder la question de la maîtrise du français au collégial, malgré une étude commandée par le gouvernement, est préoccupant.

Pour sa part, Pascal Bérubé, député du Parti québécois dans Matane-Matapédia, note que l’annonce n’avait rien d'un plan pouvant freiner ou inverser le déclin du français, mais tout d'une opération de relations publiques dans une publication sur le réseau social X.

Nous sommes à un moment critique de notre histoire où la protection du français nécessite de réelles mesures qui pourront inverser la tendance du déclin : loi 101 au cégep, réduction significative de l'immigration temporaire et permanente, promotion de la culture et indépendance du Québec, a-t-il écrit.

Par ailleurs, Québec solidaire a été le premier parti à réagir à l'annonce du plan. Je salue la volonté du gouvernement de renforcer les mesures de protection du français, surtout en ce qui a trait au contenu francophone sur les plateformes numériques, a déclaré la députée solidaire de Mercier, Ruba Ghazal.

Je suis par contre très déçue de l’absence de mesures structurantes pour renforcer le français comme langue du travail, l'indicateur le plus important que le ministre Roberge devrait suivre pour mesurer la vitalité de notre langue, a-t-elle ajouté dans une déclaration écrite.

L'Association québécoise de l'industrie du disque (ADISQ) salue quant à elle le plan présenté aujourd’hui qui « reconnaît le rôle de nos musiques dans la préservation du français », a-t-elle fait part sur X.

Un plan pour le français en 9 priorités et 21 mesures

  1. Effectuer annuellement le suivi des indicateurs linguistiques au Québec

  2. Augmenter le pourcentage des personnes issues de l’immigration économique qui connaissent le français

  3. Accélérer l’obtention de la résidence permanente pour les étudiants étrangers diplômés de programmes francophones

  4. Augmenter la francisation des travailleurs étrangers temporaires

  5. Augmenter l'offre culturelle francophone et son accessibilité

  6. Augmenter la disponibilité et la mise en valeur des contenus francophones dans l’environnement numérique

  7. Attirer et retenir un plus grand nombre d’étudiants étrangers francophones et francotropes

  8. Améliorer la maîtrise du français des élèves et des étudiants québécois

  9. Renforcer l’attachement des Québécois à la langue française et favoriser son rayonnement

L'épisode des Coulisses du pouvoir qui comporte l'entrevue avec Jean-François Roberge est à voir dimanche à 11 h (HAE) sur ICI Télé et sur ICI RDI ou encore en rattrapage sur le site Internet de l'émission ainsi que sur ICI TOU.TV (Nouvelle fenêtre).

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