•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Le paradoxe de l’essuie-tout

Plusieurs paquets de rouleaux essuie-tout.

Le papier essuie-tout est un produit à usage unique courant dans les foyers canadiens. Ce n’est pas l’offre qui manque, mais il peut être difficile de savoir quels types sont les plus performants.

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Produit à usage unique encore très populaire, l’essuie-tout est pratique et économique, mais pas très écologique. Il existe des options plus vertes qui, malheureusement, sont bien moins efficaces, a constaté L’épicerie.

Les familles vont utiliser environ un demi-rouleau par mois, par personne, estime Aurore Courtieux-Boinot, consultante en économie circulaire pour la coopérative INCITA. On est quand même assez dépendants [de ces produits] en Amérique du Nord, des produits à usage unique de façon générale, parce qu'on est dans une société du tout pratique.

Chaque fois que vous jetez votre feuille d'essuie-tout, vous jetez en même temps les ressources en énergie, en eau et en transport qui ont apporté cette feuille dans vos mains.

Une citation de Aurore Courtieux-Boinot, consultante en économie circulaire, INCITA

Les essuie-tout, comme le papier hygiénique, sont fabriqués à partir des résidus de scierie, explique-t-on chez Cascades Canada.

Ce qui peut différer d’un produit à l’autre est l’essence du bois utilisé, précise Stéphanie Bureau, conseillère en développement durable chez Cascades Canada. Souvent, nous retrouverons dans un produit de tissu un mélange de fibres longues provenant de résineux (par exemple, de l’épinette noire) pour fournir des propriétés de forces et des fibres courtes provenant des feuillus (érable, bouleau blanc…) pour fournir de la douceur, du volume et de l'absorption.

On ne coupe pas nécessairement des arbres pour faire ces produits-là, reconnaît Aurore Courtieux-Boinot, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'impact, puisque l'impact environnemental est surtout [dans] la fabrication de ces produits et leur transport.

Acheter écolo, une bonne idée?

Certaines marques proposent une version plus verte de leur produit, fabriqué à partir de fibres recyclées, mais ces essuie-tout sont-ils aussi efficaces?

L’épicerie a demandé à l’équipe de Jason Robert Tavares, professeur de génie chimique de Polytechnique Montréal, de tester 21 produits achetés en épicerie.

Pouvoir d'absorption, résistance à la traction : les experts de Polytechnique ont mesuré avec précision les performances des différents essuie-tout.

Une machine fait une traction sur un papier essuie-tout.

À l'aide d'une équipe de Polytechnique Montréal, L'épicerie a testé la résistance à la traction et le pouvoir d'absorption des différents produits.

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Résultat : l’essuie-tout de la marque Bounty a obtenu les meilleurs résultats, retenant 15 fois son poids en eau. Le moins absorbant est le produit de la marque Le choix du président 100 % recyclé.

Constat plus général : les essuie-tout faits de fibres recyclées sont bien moins efficaces.

Les fibres recyclées performent moins bien au niveau de l'absorption, constate Jason Robert Tavares, mais surtout moins bien au niveau de la tenue mécanique. La traction mécanique devenait plus faible. La raison est que les fibres recyclées sont plus courtes, donc [il y a] moins de tenue entre les fibres.

Cascades Canada confirme ces conclusions. Les fibres recyclées proviennent de vieux papiers, c'est-à-dire de fibres qui ont déjà traversé toutes les étapes du processus papetier, y compris le séchage final. Une fois séchée, la fibre recyclée peut perdre une partie de sa capacité d’absorption, explique Stéphanie Bureau.

Il faut prendre en considération que, d’un point de vue de l’impact sur le climat, les différentes analyses du cycle de vie démontrent que les facteurs d’émissions de gaz à effet de serre attribuables à la fibre vierge sont nettement plus élevés que ceux attribuables à la fibre recyclée, ajoute cependant Mme Bureau.

Des rouleaux de papier essuie-tout sur un comptoir.

Le papier essuie-tout recyclé ressemble à la version ordinaire en apparence, mais il est moins efficace.

Photo : Getty Images / Liudmila Chernetska

Cascades Canada estime que la fabrication des fibres recyclées émet 2,7 fois moins de GES que celle des fibres vierges.

Le hic? L’équipe de Polytechnique a constaté que, pour essuyer un même dégât avec deux produits de la même marque, il aura fallu cinq feuilles de fibres recyclées contre trois feuilles de fibres vierges.

Jeter ou composter? Ça dépend de ce que vous avez essuyé, explique Aurore Courtieux-Boinot. Si vous essuyez quelque chose de compostable, aucun problème, mais si vous essuyez de la peinture ou ce genre de produit, dans ce cas-là, c'est pour la poubelle.

Cependant, note Cascades Canada, les essuie-tout prennent du temps à se décomposer s'ils sont jetés à la poubelle. Selon un microbiologiste de l'entreprise, il ne serait toutefois pas surprenant que cela prenne au moins un an à se décomposer partiellement sous forme de méthane, un sous-produit de la biodégradation en absence d’oxygène, et, doit-on le rappeler, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2.

Il ne faut jamais les envoyer aux toilettes, ajoute Jason Robert Tavares. Si je prends un essuie-tout et que je le fais brasser dans de l'eau, au bout de 10 minutes, il est encore intact. Les essuie-tout sont faits pour avoir une certaine tenue mécanique, ils ne sont pas faits pour [être jetés] dans les toilettes.

Peut-être un signe des temps, les ventes d’essuie-tout sont en baisse. En 2023, selon NielsenIQ, les ventes ont atteint 584 millions de dollars, mais les gens ont acheté moins d'essuie-tout qu'avant. La clientèle aurait-elle une fibre écologique plus poussée? Pas sûr. Les ventes d’essuie-tout faits de fibres recyclées baissent plus vite que celle des produits faits de fibres vierges, d’après Cascades Canada.

Les meilleurs choix

Pour la clientèle qui tient à acheter des essuie-tout, les fibres recyclées ne constituent pas un bon choix, constate L’épicerie. Et en croisant les résultats des tests de Polytechnique Montréal avec le prix des essuie-tout au cm2, les produits qui se démarquent, selon Jason Robert Tavares, sont le Kirkland, Great Value Ultra, Selection Ultra et Sponge Towels Ultra Pro.

Mise au point

En raison d’une erreur de calcul, le palmarès des produits gagnants a été modifié. Nous nous en excusons.

Pour Aurore Courtieux Boinot, l'idée est de briser cette culture du tout jetable. On vous conseille tout simplement de mettre ce produit dans le placard avec le WD40 plutôt que sur le comptoir avec l'huile d'olive. Comme ça, vous serez moins tentés de l'attraper pour n'importe quel type de dégât, puis vous irez le chercher si vraiment c'est nécessaire, explique-t-elle.

Elle recommande plutôt l’usage de vieux tissus. On n'a pas besoin d'acheter des essuie-tout chers, faits de je ne sais quelle fibre magique. Prenez tout simplement ce que vous avez à la maison. On a tous des camisoles qui arrivent en fin de vie et qui n'ont pas vraiment d'espoir d’avoir une deuxième vie satisfaisante.

Et malheureusement, on ne sait pas encore recycler correctement la fibre textile, souligne Mme Courtieux Boinot. Donc, puisque ce produit était pour finir à la poubelle, allez-y fort, découpez vos camisoles, puis utilisez-les. C'est une façon simple et économique de réduire notre empreinte écologique.

La section Commentaires est fermée

Compte tenu de la nature délicate ou juridique de cet article, nous nous réservons le droit de fermer la section Commentaires. Nous vous invitons à consulter nos conditions d’utilisation. (Nouvelle fenêtre)

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.