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Connor McDavid (à gauche) et Nathan MacKinnon bataillent pour la rondelle.

AnalyseUn hockey en irrésistible accélération

Nous avons vu le style papillon chez les gardiens, l’instauration de la trappe au plan tactique, la modification des règlements après le lock-out de 2004-2005 ainsi que l’apparition des bâtons en composite, qui a permis l’ère des tireurs que nous traversons actuellement avec cette génération qui a grandi avec le bâton monopièce (one piece).

À leur façon, chacun de ces jalons a changé le hockey.

En marge du match des étoiles de la LNH, nous avons demandé à plusieurs joueurs où se situerait la prochaine révolution dans leur sport.

Tous ceux à qui nous avons parlé ont prédit que le jeu allait continuer de s’accélérer.

Le jeu devient de plus en plus rapide, on le sent sur la glace, a indiqué Connor McDavid, un chef de file de cette tendance. Tout partout au sein d’une équipe, tout le monde peut patiner. C’est difficile de jouer dans cette ligue si tu n’es pas un excellent patineur.

Je suis sûr que ça va aller en accélérant. Avec le développement de l'équipement et les jeunes qui semblent commencer de plus en plus tôt et qui sont de plus en plus passionnés, ça va toujours s'améliorer.

Au cours de son plus récent voyage, le Canadien a affronté McDavid, le joueur le plus rapide de la Ligue nationale au plan de l’exécution, de même que l’Avalanche du Colorado, sans doute l’équipe qui joue le plus vite dans tout le circuit.

En dépit d’une formation inférieure, le CH a été en mesure de rivaliser avec les Oilers et l’Avalanche, et de soutenir la cadence infernale imposée par ces équipes.

Mais que veut-on dire exactement par un jeu qui va toujours plus vite?

Il fut un temps où l’on en parlait d’abord sous l’angle de la vitesse de patinage. Ce n’est pas un aspect à négliger – et nous y viendrons plus tard – mais d’autres éléments ont aujourd’hui préséance sur le patin.

Jouer vite, ce n'est pas seulement être capable de patiner, rappelait récemment (Nouvelle fenêtre) l'entraîneur-chef de l'Avalanche, Jared Bednar. C'est savoir où tout le monde va aller et où la rondelle va être envoyée.

Commençons par là.

La vitesse par l'anticipation

Darryl Belfry fait partie de la fine pointe des entraîneurs spécialisés. Il est consultant pour certains des meilleurs joueurs de la LNH, dont Nathan MacKinnon, qui a donné du fil à retordre au Canadien mardi soir.

En l'écoutant parler de la vitesse du jeu, on entend l’écho de plusieurs termes qui sont chers à Martin St-Louis.

Belfry nous a entre autres parlé de prévisibilité, autant celle que l’on gagne en apprenant à connaître la ligue au fil des ans que celle qu’un joueur développe par rapport au positionnement de ses coéquipiers.

Les joueurs de la LNH sont constamment au bon endroit, explique Belfry. Ils comprennent mieux où ils doivent être et ils savent quel rôle ils doivent jouer. Et lorsque leur rôle change, ils sont capables de l'anticiper et d'ajuster leur positionnement en conséquence, ce qui n'est pas toujours le cas aux niveaux inférieurs.

C'est là que le jeu s'accélère, d’une certaine manière, parce qu'il y a beaucoup plus de prévisibilité quant à l'endroit où les joueurs vont se trouver.

Cela rejoint exactement ce que disait Bednar.

Belfry a également fait allusion aux répétitions que les bons joueurs mettent à profit pour apprendre à bien reconnaître le comportement de la rondelle.

La rondelle, précise-t-il, se déplace selon des tracés récurrents, et les bons joueurs savent reconnaître ses tracés et analyser les conditions dans lesquelles le disque est échangé pour bien anticiper où il ira ensuite.

Un bon joueur utilise ses répétitions pour développer l’anticipation de ce qui va se produire et, de là, il peut prendre l’initiative de manipuler le jeu pour l’envoyer dans la direction voulue.

Identifier le prochain jeu, voilà une autre expression qu’utilise souvent St-Louis.

N’est-ce pas une application moderne et plus systématique de ce que disait autrefois Wayne Gretzky, qui affirmait se diriger là où irait la rondelle?

Choisir quand être rapide

Belfry fait remarquer que McDavid et MacKinnon sont considérés comme deux des patineurs les plus rapides du circuit, mais qu’ils n’ont pas continuellement le doigt sur le bouton turbo. MacKinnon a le don de passer à pleine vitesse à des moments bien précis où ses adversaires, cherchant à contenir l’attaque, sont sur les talons.

Ils ralentissent pendant que lui accélère, observe Belfry.

On l’a encore vu mardi lorsque l’Avalanche s’est retrouvée en supériorité numérique face au Canadien. MacKinnon effectuait des entrées de zone avec une vitesse frôlant l’agression.

McDavid, lui, est passé maître dans l'art de surgir de nulle part. Au moment où tu réalises que tu es dans le trouble, il est déjà parti.

Une citation de Darryl Belfry

Il ne s’agit donc pas d’être le patineur le plus rapide, mais de savoir quand il est le plus payant d’être rapide. Le bon joueur reconnaît l’instant où l’adversaire est le plus vulnérable, où il baisse sa garde, et l’explosion de vitesse qu’on lui met dans les pattes devient très difficile à contenir.

Savoir quand mettre à profit sa rapidité est d’ailleurs une chose dont a souvent parlé St-Louis à propos de Josh Anderson, l’invitant à mieux choisir ses moments pour déployer sa vitesse.

Nick Suzuki protège la rondelle en entrée de zone offensive.

Nick Suzuki aide le Canadien à jouer vite. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Nathan Denette

Un jeu en constante transition

Vous avez peut-être déjà entendu St-Louis dire que, peu importe où se trouve son équipe sur la patinoire, elle doit avoir la mentalité de défendre dès le moment où elle n’a plus la rondelle.

En effet, l’attaque et la défense ne sont pas des phases de jeu étanches, elles sont fluides. La rondelle passe très souvent d’une équipe à l’autre, de sorte que la majorité du jeu se déroule en transition.

D’où l’importance, pour jouer à une cadence élevée, de pouvoir anticiper les changements de possession.

C'est le véritable art de la vitesse du jeu, insiste Belfry. Ça, et savoir quand être rapide. Si je ne connais pas ces choses-là, et si je ne les anticipe pas, alors comment puis-je savoir quand je dois être rapide?

Désormais, tout le monde peut patiner. Les plus rapides d’aujourd’hui sont un tantinet plus rapides que les gazelles d’autrefois, mais l’écart entre les plus rapides et les plus lents, lui, s’est drôlement resserré.

Sauf qu’au-delà du coup de patin, rien ne se déplace aussi vite que la rondelle. Voilà pourquoi, de manière à jouer vite, les équipes se sont mises à accorder une importance capitale à la possession de la rondelle et à la valorisation des joueurs capables de créer le plus de jeux.

Et c’est la raison pour laquelle Nick Suzuki, malgré un coup de patin qui ne le distingue pas des autres, aide le Canadien à jouer plus vite.

Une exécution à la vitesse maximale

Il y a la vitesse des pieds, il y a la vitesse du cerveau, mais il y a aussi la vitesse des mains.

McDavid et MacKinnon se distinguent par leur capacité à faire des jeux à une vitesse maximum sans avoir à ralentir pour passer la rondelle ou la lancer au but.

C’est un alliage de vitesse, d’intelligence et de finesse qui, aux yeux de l’entraîneur-chef des Capitals de Washington, Spencer Carbery, distingue pour l’instant 1 % des joueurs du reste de la ligue, mais qui deviendra de plus en plus répandu.

Selon Carbery, la prochaine révolution dans la LNH réside dans l’exemple que donnent ces marchands de vitesse.

Que ce soit les Jack Hughes ou les Connor McDavid de ce monde, ils peuvent faire des choses quand vous les regardez, ils volent d’un bout à l’autre de la patinoire et puis ils font une passe soulevée de haut calibre à un coéquipier qui arrive par la porte d’en arrière, décrit Carbery. Beaucoup de joueurs doivent ralentir et prendre une seconde pour faire ça.

Or, je pense que ça va s'ancrer dans l'ensemble de l'équipe, du premier au quatrième trio et de la première à la troisième paire de défenseurs.

Cela ne veut pas dire qu’une équipe aura un jour 12 Connor McDavid pour former ses trios, mais les meilleurs joueurs d’aujourd’hui donnent la direction du vent et tout le monde emboîte le pas. Il y a une mutation qui est en train de se produire.

Un joueur des Canucks tente d'échapper à Brendan Gallagher du Canadien.

Un défenseur du gabarit de Quinn Hughes aurait difficilement pu faire carrière à une autre époque.

Photo : Getty Images / Rich Lam

Il y a même une mutation au plan physique!

Depuis 20 ans, le corps des hockeyeurs est graduellement devenu plus élancé et un peu moins costaud. Et l’une des motivations de ce changement de morphologie est de vouloir aller plus vite.

La composition du corps est telle que les gars ne font plus autant attention à être épais et costauds. On leur apprend la cadence élevée et on leur apprend à être davantage des coureurs que des patineurs traditionnels, observe l’analyste J.P. O’Connor, qui travaille pour le fabricant de lames de patin Elite.

Ce changement corporel n’est pas une mode stratégique, c’est un phénomène physique à plus grande échelle qui suggère un changement plus durable.

Un changement qui a déjà ouvert la porte à d’autres types de joueurs.

Pendant très longtemps, les gens disaient que si tu étais petit, tu ne pouvais pas jouer dans cette ligue, ou que c’était plus difficile de jouer dans cette ligue, rappelle l'attaquant des Oilers Leon Draisaitl. Mais je pense que les joueurs sont si habiles et si rapides de nos jours que leur taille n'a plus d'importance.

Entraînement et équipement

La performance des professionnels de la LNH combinée à l’entraînement des plus jeunes a créé un engrenage qui amène toutes sortes de changements dans le hockey. L’accessibilité à des techniques d’entraînement spécialisées, que jeunes hockeyeurs et entraîneurs peuvent trouver sur le web et sur les médias sociaux, a permis de raffiner leur développement.

On a tous entendu l’histoire de Gretzky qui, à un jeune âge, tirait 1000 rondelles par jour. Ce n’est peut-être pas devenu la norme aujourd’hui, mais c’est plus répandu comme mentalité, explique Philippe Renaud, du Groupe de recherche de hockey sur glace de l’Université McGill, une unité reliée au nouvel Institut Sylvan Adams de la science du sport (SISSA).

En tant qu’assistant de recherche, Renaud travaille avec des étudiants à la maîtrise et au doctorat sur des sujets connexes à la biomécanique du hockey, dans ce qui ressemble à un carrefour entre la performance physique, la technologie et la recherche sur le plan de l’équipement.

Que ce soit le développement des habiletés – en allant sur la glace et en tirant des rondelles – ou l’entraînement physique adapté à des jeunes en croissance, on a plus d’informations qu’on en avait il y a 20 ans, constate-t-il.

La vitesse du jeu, observe Renaud, se vérifie entre autres dans les techniques de tir. Le hockey étant un sport d’espaces qui s’ouvrent et se referment, la vitesse des mains au moment de dégainer est devenue primordiale. Le tir des poignets traditionnel, qui implique d’apporter la rondelle derrière soi avant de la balayer en direction du filet, est graduellement délaissé à la faveur du tir appuyé (le snapshot), qui est beaucoup plus compact.

Si la technologie des bâtons a permis d’aller chercher une meilleure vélocité sur les tirs appuyés, une autre pièce d’équipement devrait également contribuer à accélérer le jeu.

Aux yeux de J.P. O’Connor, il ne fait aucun doute que la prochaine révolution tournera autour d'une mise à niveau généralisée des patins.

Quand on pense à l'ampleur des changements survenus dans l'équipement de hockey au cours des 50 dernières années, y compris dans les bâtons, ç’a été massif, dit O’Connor. Mais pour ce qui est du morceau d’acier qui touche la glace, c'est à peu près la même chose qu'il y a 50 ans.

La compagnie Elite se spécialise dans le profilage des lames de patin. Le choix de la courbe de la lame et de son rayon de profondeur de même que la façon dont différentes zones de la lame sont affûtées permettent d’optimiser le patinage en fonction de la foulée du joueur et de ce qu’il recherche comme performance.

Bien que le profilage de lames soit répandu chez le Canadien, encore peu de joueurs à l’échelle de la LNH profitent de cette possibilité.

C'est un fruit facile à cueillir, illustre O'Connor. Si l'on donne ces avantages aux meilleurs joueurs et aux meilleurs patineurs, c'est là qu’on va voir le plus grand changement.

Priez pour eux

Tout compte fait, l’accélération du jeu ne sera peut-être pas une révolution, mais c’est assurément une évolution. C’est la trajectoire sur laquelle à LNH est irrémédiablement engagée.

Inutile d’en parler comme d’un phénomène futur. Pour les gardiens de but, le défi de résister à des joueurs plus rapides et plus habiles est bien ancré dans le présent.

C'est déjà là quand on voit à quel point ces gars-là sont habiles, mentionne le gardien des Stars de Dallas Jake Oettinger. En tant que gardien, je veux être agressif et me placer au sommet de mon demi-cercle, mais je parle beaucoup avec mon entraîneur des gardiens de la patience qu'il faut avoir face à des gars-là qui déplacent et qui tirent si bien la rondelle. Il y a cinq ans, si un joueur arrivait sur les flancs, il était certain de tirer la rondelle. Aujourd'hui, je ne réalise même pas qu’un gars s’est amené par la porte arrière, et lui le voit et il a le talent pour lui faire une passe.

Donc, je pense qu’on y est déjà. Les gars sont tellement bons. Il n’y a plus qu’à prier pour les gardiens à l'avenir!

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